Je publie avec l'accord de mon fils Vivien, les lettres journalières que je lui ai adressées. Cela est probablement une forme d’exhibitionnisme, mais aussi un partage thérapeutique.

vendredi 3 juin 2016

Quarante-deuxième lettre



Mardi 17 février 2015

Nous sommes dans le train en direction de Rouen. Tu es dans l’avion en direction de Rouen. Le premier arrivé à l’hôpital Charles Nicolls a gagné.
Il est 10h08 et aucun coup de téléphone n'a fracassé notre crane. Erreur, ce matin, aux alentours de 7h00 une sonnerie stridente nous a propulsés vers des sommets recouverts d’angoisse. Nous en sommes descendus sans peine. Le téléphone désirait ta carte d’identité que je ne possédais pas. Depuis pas de nouvelle, tu dois être dans l’avion.
Ta mère dort à côté de ton papa. Elle dort en croisant tout ce qu’elle peut croiser. Elle a même acheté un bouquin sur les croisades.
Tu ne vas pas me croire, mais nous souhaitons te retrouver dans le même état dans lequel nous t’avons laissé hier soir. Nous sommes même prêts à accepter que tu ailles mieux.
J’ai décidé de prendre de la hauteur par rapport à notre situation, malheureusement le TGV passait à ce moment sous un pont. Je me le suis pris en pleine tronche. Heureusement, ce n’est que la métaphore qui a souffert.
Ta mère dort toujours. Je la soupçonne de dormir afin de ne pas être réveillée. Ainsi, elle ne se prend pas des ponts dans la gueule. Elle vient de se réveiller pour mieux se rendormir. Cela s’appelle du triple sommeil.
Le bar est en voiture quatre. Nous sommes en voiture sept. Les nouvelles sont dérisoires. Mais je ne suis pas responsable de nos places.
Ta mère est en phase éveillée. Elle déshabille clémentine et  la mordille. Maintenant elle lit.
J’écris pour écrire. À côté de moi, un monsieur n’arrête pas de taper sur les touches de son PC. J’ai appelé les contrôleurs afin de signaler un cas de maltraitance. Je me suis fait rembarrer. Depuis, je fais comme lui. Je frappe en toute impunité. Et pour l’emmerder, j’essaye d’écrire plus vite que lui. Ça énerve ta mère, car la rapidité de ma frappe crée des vibrations qui l’empêchent de se concentrer sur son livre qui frissonne.
Il n’y a pas que le livre qui frissonne, ta maman aussi. C’est le choc thermique entre l’ambiance chaude du livre et la température du TGV. Un beau cadre dynamique la réchauffe. Entre nous, un cadre dynamique ça fout le bordel dans une exposition de peinture.
Ta mère m’ordonne d’arrêter d’écrire des âneries.
Bisous.

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