Je publie avec l'accord de mon fils Vivien, les lettres journalières que je lui ai adressées. Cela est probablement une forme d’exhibitionnisme, mais aussi un partage thérapeutique.

samedi 11 juin 2016

Samedi 21 février 2015




Hier, j’ai interrompu la correspondance que j’avais avec Vivien. J’ai considéré qu’il était en état de lire et de comprendre toutes les âneries qui y sont écrites. J’ai imprimé le texte et le lui ai donné. C’est un énorme soulagement. D’un pronostic vital fortement engagé où sa vie se délitait, il s’est reconstruit en gardant sa personnalité. J’espère que son mental tiendra le coup. Car même s’il a récupéré en partie son potentiel, j’ignore si l’invisible est intact. Je reprends l’écriture, juste histoire de ne pas perdre la main et surtout de m’exhiber.

    Vivien est arrivé en chambre « normal » d’hôpital. Il est en attente d’une place en centre de rééducation fonctionnel. Aucun fil ne le lie à une machine. Tous les tuyaux, toutes les perfusions ont été retirés. Il est libre. Il a retrouvé sa liberté d’avant le 31 décembre (semi-liberté, il est encore alité).
Vivien marche avec appuie, Vivien parle, Vivien écrit, Vivien entend… Le bras gauche ne joue pas le jeu, il fainéante. Il a des circonstances atténuantes. Il a subi quelques fractures, dont certaines n’avaient pas été détectées aux premiers examens. A l’époque, l’urgence n’était pas là, elle était sise un peu plus haut, dans les centres de commandement. Les os cassés, indifférents à l’environnement insécurisé, se sont ressoudés sans tenir compte des normes actuelles en vigueur sur la reconstitution du poignet. Tant que les normes ne seront pas respectées, le poignet et la main refuseront de fonctionner. Le refus est très mal vécu par la direction qui, aidée d’un kiné, tente de contourner le blocus.
Hier, la chambre fut envahie par de nombreuses personnes aimantes, aimantée par son charisme. La fratrie était au complet. Antonin, impressionné  par le milieu hospitalier, s’acclimata et osa s’approcher afin de déposer quelques bisous. Louise resta scotchée contre Vivien toute l’après-midi, place âprement disputée avec la mère de Vivien qui accepte difficilement de lâcher la main de son fils.
  Anneso pleurait de bonheur. C’était la première fois qu’elle le voyait depuis son accident. Elle avait vécu par procuration l’évolution du coma de Vivien et sa guérison chaotique.  Une procuration en pointillé, car j’aurais omis de lui narrer (pour un narrateur, c’est un comble) de nombreux faits marquants. Heureusement que certains contacts téléphoniques issus d’autre horizon lui ont permis d’avoir une idée plus pointue de l’évolution de mon fils.
Le soir Vivien était heureux et épuisé par une telle journée.
Il apprécie la présence des gens. Il savoure pour l’instant la vie et essaye de la croquer à pleines dents sans avaler de travers. J’ai toujours l’appréhension que Vivien tombe sur la tête. Tant qu’il sera sous anticoagulant, je ne serai pas rassuré. Hier en partant, j’ai relevé les barrières de son lit. Je l’avais même ligoté, mais les infirmières ont considéré l’acte préventif comme de la maltraitance et l’ont détaché.





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