vendredi 23 janvier
2015
Jour du poisson.
Crois-tu que le produit contenu dans la perfusion qui t’alimente soit à base de
poissons ? Si plus tard, en te promenant sur les quais de Fécamp une nuée
de goélands te suit tel un navire de pêche glissant « sur les gouffres
amers », tu en connaîtras la raison.
Hier tu as parlé. Je
reconnais pour un gamin de seize ans cela n’a rien d’extraordinaire. Cependant,
nous étions ravis et ta sœur écroulée de rire.
Une pauvre infirmière
abandonnée par ses collègues tentaient de poser des électrodes sur ton crane. Tu
la tapais et tu l’insultais de tous les noms d’oiseaux, et pas n’importe quel
oiseau. Bref, la pauvre n’arrivait pas à «
t’électroencéphalogrammer ». La présence de ta sœur et de ton père t’ont
amené un peu de sérénité. Ensuite tu es devenu un patient patient, ce qui ne
t’empêchait pas de la mitrailler d’insultes. Pendant ce temps, nous nous
marrions comme des malades.
Ta mère
malheureusement était absente, elle était en entretien privé avec un beau
professeur de ton service. Apparemment l’entretien s’est bien déroulé, elle en
est ressortie toute ragaillardie*.
Ta sœur est repartie.
À peine nous a-t-elle quittés, que sa maladie est revenue. Je pense que le
meilleur antidote pour elle est de se faire câliner par sa mère et son père.
Ta mère m’oblige à
faire la vaisselle. Elle n’arrive pas à comprendre que la souffrance qui
squatte mon âme est telle qu’il m’est impossible de faire la moindre tâche
matérielle. Ta mère t’a enfanté dans la douleur. Éprouver sa chair et son sang
lui est familier. Elle est armée et capable malgré toute la souffrance qui pèse
sur ses frêles épaules d’avoir une maîtrise de ses mains et donc de faire la
vaisselle. Mais que nenni, tu la connais. Elle est obstinée, têtue comme une
mule, et elle préfère fumer une clope que de participer à un jeu récréatif. Car
malgré son âge et son vécu, elle ignore
le bien-être qu’apporte la vaisselle sur les femmes lorsqu’elles sont dans le
tourment.
Ta mère vient de lire
le texte. Elle a compris mon désarroi, elle fait la vaisselle.
Bisous
* Désolé Fabienne,
nous te connaissons et savons tous que cela est vrai, pardon, mes doigts ont
fourché, est faux. L’humour, la dérision et l’absurde étaient nos uniques armes pour combattre l'enfer.
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