mercredi 11 février
2015
Il me tarde que tu
puisses lire notre correspondance à sens unique. Plus tôt tu pourras lire, plus
tôt je pourrai cesser cette page quotidienne d’écriture. Je commence à
m’assécher. La grande quantité de pinard que j’absorbe tous les soirs est
insuffisante pour réhydrater mon imagination. Il suffirait que je commente les
informations du jour pour palier ma créativité défaillante. Je n’écoute pas les
informations, du moins à Marseille. Le manque de temps et un épuisement dû à
l’énorme inquiétude à ton sujet sont les seuls et uniques responsables de cette
désinformation.
Le matin, à peine
levé, je t’écris aidé par deux cafés. A peine t’ai-je écrit que je saute dans
mes tennis pour courir un peu. A peine ai-je couru que je déjeune. A peine
ai-je déjeuné que je bouquine un peu, ou quand ta mère n’est pas conciliante,
je m’attaque à la vaisselle. A peine ai-je terminé que nous prenons les
transports en commun afin de te rejoindre à l’hôpital nord. Le transport se
scinde en trois parties : bus, métro, bus. Le cumul des trois est égal à
une heure. De 12h30 à 18h00 nous t’accompagnons. Du moins ta mère s’amuse avec
les jeunes et beaux internes pendant que ton père viole les petites vieilles en
fin de vie. Chacun son trip. A 18h00 nous regagnons nos pénates en utilisant
les transports en commun en sens inverse : bus, métro, bus. Ce qui
additionné, correspond approximativement à une heure. Non, une demi-heure de
plus car je descends quelques stations de bus avant, afin de m’aérer la tête et
accessoirement de rencontrer une dame abandonnée afin de la consoler. Ta mère
ayant découvert mon manège, m’accompagne en tant que garde chiourme. Je
soupçonne Anneso d’être le commanditaire de cette surveillance rapprochée. Elle
a convaincu ta mère sans problème. Moi qui suis l’innocence même. Donc après
cette balade en liberté conditionnelle, nous préparons le repas, dinons, lisons
et dormons.
Hier tu étais en peu
plus présent que la veille. Tu avais encore ce fameux tube dans la bouche.
L’avantage de ce tube est double. Je peux te raconter des conneries, tu ne peux
pas répondre, et toi tu ne peux pas en raconter.
Tu as la main droite
attachée. Ta mère se régale avec. Elle la tripote, l’embrasse. Hier je l’ai
surprise en train de sortir un cutter. Ce n’était pas pour découper le lien qui
te retient, mais pour emmener la main avec toi. Depuis qu’elle a lu une revue
médicale sur les greffes, elle est persuadée que si elle garde ta main au
frais, les chirurgiens peuvent te la recoller le lendemain et ainsi de suite.
J’ai eu du mal à la persuader du contraire. Heureusement que le chirurgien chef
qui est un pédagogue, né doublé d’une gravure de mode, a réussi à convaincre ta
mère en l’emmenant dans son appartement privé.
C’est pour cela que je
suis contre la vulgarisation de la science. Les néophytes prennent souvent au
pied de la lettre ce qu’ils ne comprennent pas. En tout cas, je préfère prendre
mon pied avec une personne de sexe féminin qu’avec la lettre Q.
Mission accomplie,
j’ai réussi une nouvelle fois à t’écrire.
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