Lundi 09 février 2015
La nuit précédente tu
as retiré ta sonde œsophagienne (elle passe par le nez). Ce n’est pas bien. Elle
permet de te nourrir. Du liquide nutritionnel y passe et va directement dans
l’estomac. Lorsque tu es à table et que tu perds la fourchette, tu la ramasses
et tu continues de manger tes pates à la carbonara sans aucune réflexion
existentialiste. Mais là, ton existence est en jeu. Surtout que tu refuses de
reprendre la sonde. Ne t’inquiète pas, la médecine a plus d’un tour dans son
sac, et elle te nourrira par voie sanguine. Je reconnais que tu n’apprécias que
très modérément le menu proposé.
Le menu proposé est
choisi par les parents. J’ai lâchement profité de l’absence de ta mère pour
choisir tes menus. J’ai libéré mon côté sadique qui a pris un pied d’enfer. D’ailleurs
ta mère qui a pris l’habitude de lire le
texte dès que j’ai le dos tourné (merde à la maman qui le lira) va hurler. Quand
je termine ma page d’écriture je prends le large, et je ne reviens que lorsque
ta mère a digéré la torture infligée à son petit bébé rose chéri mignon des iles vierges. Je t’ai
choisi tes parfums préférés : épinard, ratatouille, haricot vert, endive
cuite…pourtant il y avait plein d’autre choix, tel que pizza, kébab, pates à la
carbonara…sur les frites, j’aurais été intraitable. Tu sais très bien pourquoi.
Hier, ta sœur est
repartie dans les bras de Gwendal. Elle a eu le plaisir de te voir légèrement
réveillé. Vous avez communiqué. Tu clignais des yeux pour dire oui. Tu serrais
les mains pour dire non. Ou le contraire, je ne sais plus. C’est pour cela que
par la suite, nous avons eu un dialogue de sourd. Je confondais à chaque fois
le oui et le non. Après son départ, tu as été de nouveau anesthésié. Les
médecins désiraient remettre ta sonde nasale. Comme tu viens de le lire, ce fut
un échec. La conséquence est que ta mère ne t’a pas vu vraiment réveillé. Elle
s’est vengée en t’embrassant et te câlinant sans interruption. Les infirmières
sont intervenues pour te libérer de l’emprise fusionnelle de la mère. La
diplomatie et la violence n’eurent aucun effet sur son amour débordant. Elle
s’accrocha à toi comme un string à la raie des fesses. Elles ne réussirent pas
à la déloger. Ta mère avait un argument indémontable. Elle s’accrochait à ta
perfusion. Je suis rentré seul chez Béa et ta maman chérie a dormi avec toi.
Dès que je termine mon
texte, je prends la poudre d’escampette. Ta mère a toujours eu du mal avec la
vérité. Si je reste, je risque de passer un mauvais quart d’heure. Il y a une
chance sur deux que je me retrouve en réa.
Bisous.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire