Samedi 07 février 2015
D’habitude, lorsque je
me lève j’ai une vague idée du thème de notre correspondance. Aujourd’hui, j’ai
autant d’idée que de plume sur le corps d’un ver de terre. En général, je
profite des phases d’éveil de la nuit pour réfléchir à l’écrit du matin. Je
vais être obligé d’improviser, et tu sais que ce n’est pas ma tasse d’été.
J’aime bien les saisons et je commémore leur arrivée en changeant de tasse.
Hier, après la toilette de l’après-midi, ils
(le personnel médical) t’ont placé en chien de fusil. Tu étais en appui sur ton
côté droit. C’était dommage, car l’oreille qui est la plus réceptive aux sons
était enfouie sous un oreiller bien moelleux. Ils te changent de position trois
fois par jour. Un coup sur le côté droit, un coup sur le côté gauche et un coup
sur le dos. Le but est d’éviter que les sécrétions dans tes poumons stagnent
toujours au même endroit. Effectivement tu respirais mieux que les fois
précédentes.
Ton regard semblable
au regard de Vivien était plus mobile. Tu semblais comprendre le sens de nos
paroles. Tu serrais notre main en
tremblotant. Hier une petite, une toute petite étincelle d’espoir, une
étincelle créée par deux silex a percé l’obscurité, puis elle a disparu au
milieu d’une peur qui nous envahit tous. Cet espoir pour ton avenir, comme toi,
nous nous y accrochons de toutes nos forces. Aujourd’hui nous aimerions tous
que la petite étincelle crée une petite flamme. Une toute petite flamme que
nous prendrons bien soin d’alimenter afin qu’elle grandisse.
Ta mère a passé une
nuit pleine d’angoisse. Il arrive que les petites pilules ne soient pas
efficaces.
Hier ta sœur s’est
effondrée dans mes bras. Que veux-tu, par moment tu ressembles à un vieillard
en fin de vie.
Comme je te disais
hier, c’est le hier de l’écrit, et cela n’a aucun rapport avec la conversation
que nous avons eu hier, avant la lecture de ce texte. Donc je te disais, que tu
n’avais que seize ans, et que tu aurais grandement le temps de profiter des
petits bonheurs que la vie apporte lorsqu’elle est bien lunée. Après ce qu’elle
t’a fait, elle a intérêt à faire un effort, sinon je lui botte le train afin de
lui rappeler qu’elle peut aussi s’acharner sur des humains qui n’ont que faire
de la vie d’autrui.
Ta sœur et ta mère
viennent d’apparaître. Leur silence et leur discrétion est un havre pour
l’écriture. C’est pour cela que je vais interrompre notre correspondance.
Bisous
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