Je publie avec l'accord de mon fils Vivien, les lettres journalières que je lui ai adressées. Cela est probablement une forme d’exhibitionnisme, mais aussi un partage thérapeutique.

lundi 23 mai 2016

Trente-deuxième lettre



Samedi 07 février 2015

D’habitude, lorsque je me lève j’ai une vague idée du thème de notre correspondance. Aujourd’hui, j’ai autant d’idée que de plume sur le corps d’un ver de terre. En général, je profite des phases d’éveil de la nuit pour réfléchir à l’écrit du matin. Je vais être obligé d’improviser, et tu sais que ce n’est pas ma tasse d’été. J’aime bien les saisons et je commémore leur arrivée en changeant de tasse.
 Hier, après la toilette de l’après-midi, ils (le personnel médical) t’ont placé en chien de fusil. Tu étais en appui sur ton côté droit. C’était dommage, car l’oreille qui est la plus réceptive aux sons était enfouie sous un oreiller bien moelleux. Ils te changent de position trois fois par jour. Un coup sur le côté droit, un coup sur le côté gauche et un coup sur le dos. Le but est d’éviter que les sécrétions dans tes poumons stagnent toujours au même endroit. Effectivement tu respirais mieux que les fois précédentes.
Ton regard semblable au regard de Vivien était plus mobile. Tu semblais comprendre le sens de nos paroles. Tu serrais notre main  en tremblotant. Hier une petite, une toute petite étincelle d’espoir, une étincelle créée par deux silex a percé l’obscurité, puis elle a disparu au milieu d’une peur qui nous envahit tous. Cet espoir pour ton avenir, comme toi, nous nous y accrochons de toutes nos forces. Aujourd’hui nous aimerions tous que la petite étincelle crée une petite flamme. Une toute petite flamme que nous prendrons bien soin d’alimenter afin qu’elle grandisse.
Ta mère a passé une nuit pleine d’angoisse. Il arrive que les petites pilules ne soient pas efficaces.
Hier ta sœur s’est effondrée dans mes bras. Que veux-tu, par moment tu ressembles à un vieillard en fin de vie.
Comme je te disais hier, c’est le hier de l’écrit, et cela n’a aucun rapport avec la conversation que nous avons eu hier, avant la lecture de ce texte. Donc je te disais, que tu n’avais que seize ans, et que tu aurais grandement le temps de profiter des petits bonheurs que la vie apporte lorsqu’elle est bien lunée. Après ce qu’elle t’a fait, elle a intérêt à faire un effort, sinon je lui botte le train afin de lui rappeler qu’elle peut aussi s’acharner sur des humains qui n’ont que faire de la vie d’autrui.
Ta sœur et ta mère viennent d’apparaître. Leur silence et leur discrétion est un havre pour l’écriture. C’est pour cela que je vais interrompre notre correspondance.
Bisous

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