Je publie avec l'accord de mon fils Vivien, les lettres journalières que je lui ai adressées. Cela est probablement une forme d’exhibitionnisme, mais aussi un partage thérapeutique.

mardi 17 mai 2016

Vingt-cinquième lettre



samedi 31 janvier 2015

Coucou, je suis juste en dessous de toi. Je, car j’ai laissé « nous » dans le nord. Je suis descendu tout seul comme un grand. D’accord je reconnais que je pleure de temps à autre, mais je reste discret.
Dans le même service que tu fréquentes assidument, il y a une famille très extravertie. Les couloirs mitoyens à la Réa sont encombrés. Le métro aux heures d’affluence est la comparaison qui me vient à l’esprit. Les pleurs ne sont pas discrets, même la corne de brume d’Avel Vat est aphone par rapport aux décibels dégagé par les cris. Ce n’est pas tout. Dans une chambre, un homme lit des prières à haute voix afin d’aider le malade à survivre (en réa tu survis). Le problème est qu’il ne faut pas le stimuler. Comme toi, si tu veux guérir nous devons être le plus transparent possible.
Pourquoi « je » est descendu sans nous. Je l’ignore, j’ai juste pris la décision hier soir, vers 20h00 de te rejoindre. Les informations téléphoniques étaient un peu trop contradictoires à mon goût. Je sentais, crois en mon odorat, que tu passais un mauvais quart d’heure.
Après la rencontre avec les médecins j’étais rassuré. Après t’avoir vu, je ne fus plus du tout rassuré. Je sus que ton PIC avait encore eu des velléités d’envol. Tu as six seringues  qui t’injectent plusieurs produits, dont des anesthésiques. Le curare vient d’être retiré. Sur le corps tu as une couverture chauffante. Il te réchauffe car ils ont dû baisser ta température à moins de 35° (et non à moins 35°) pour limiter ton PIC.
Quand reviens-tu mon fils ? Je, pardon, nous n’en pouvons plus d’attendre. Ça va faire une semaine que tu as souri à Hugo, et depuis plus rien. Si j’utilisais une métaphore, j’écrirais :
« Depuis une semaine tu es plongé dans le coma ».
J’ai récupéré tes affaires à Airion. Le dernier lien qui te reliait à tes études est coupé. Ce qui n’insinue pas que ton parcours est clos. Si comme nous le pensons, ton intellect est intact, tu as encore toute tes chances, et malheureusement pour toi, il faudra que tu travailles un peu plus que si tu n’avais raté pas un virage. Comme quoi un simple virage à ski peu métamorphoser une vie déjà pas du tout tracée.
Mon gamin je te laisse. Demain ta maman sparadrap vient se coller à toi. Elle profitera de ton sommeil pour de noyer dans son amour.
Bisous

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