Je publie avec l'accord de mon fils Vivien, les lettres journalières que je lui ai adressées. Cela est probablement une forme d’exhibitionnisme, mais aussi un partage thérapeutique.

samedi 7 mai 2016

Quinzième lettre



Mardi 20 janvier 2015

Ces dernier temps mes écrits sont sporadiques. Ta sœur et ta mère en sont les principales responsables. Hier après-midi, elles ont écumé les magasins du centre-ville de Marseille. C’est tout juste si les fringues achetées ne remplissaient pas ta chambre.
Hier, nous devions te voir sans tuyaux dans la bouche. Mais la logistique des médecins, aussi incompréhensible que le patois d’oïl exprimé par un nord-coréen, en a décidé autrement. Théoriquement aujourd’hui, ils devraient…c’est cela, ils devraient…j’écrirais même plus : ils devraient…depuis une semaine nous sommes trimbalés de droite à gauche. Non nous sommes trimbalés d’espérance en résignation, de résignation en désespoir, de désespoir en consternation, de consternation en espérance. Puis le cycle recommence avec quelques variations. Ces variations sont notre espoir, c’est toi qui les crées. Tu essayes de sortir du lit, pour rejoindre ta mère et ta sœur, tu sursautes au mot ski. Et lorsque ton père entre, tu planques ton pétard sous la perfusion.
Donc aujourd’hui notre seule certitude est qu’ils devraient…
Et nous, en fonction de « ils devraient… », nous devons agir en conséquence. Nous devrions rentrer, nous devrions rester, nous devrions hurler notre désespoir, nous devrions clamer notre joie, nous devrions être amorphes. Une seule certitude dans ce monde au contour incertain. Ta sœur est toujours aussi chiante.
D’ailleurs, il n’y a pas qu’ici que le bordel règne en maître. A Beauvais, Antonin a 40° avec une grippe, Louise a une bronchite et Anneso 39°. Je rentrerai bien leur faire un petit coucou, mais j’ai peur de te ramener des saloperies qui seraient capables de prolonger la période de : ils devraient…

« Coucou mon frère, tu sais que tu n’as jamais été aussi doué pour me faire tourner en bourrique qu’aujourd’hui, je suis venu te voir, plusieurs fois, je ne sais pas vraiment si tu t’es rendu compte de ma présence mais en tout cas tu m’en as donné la sensation. Je t’ai même dit « profite de ce moment car je n’ai jamais été aussi gentille avec toi ! ». En tout cas mon PETIT  frère réveille toi, je dis bien « petit » car une infirmière a cru en me voyant que j’étais ta PETITE sœur ! Tu te rends compte, je suis sûre que si tu avais été là, tu aurais été trop fière. Sinon j’appelle Guillaume toutes les semaines pour le tenir au courant de tes derniers caprices d’œdème, de pression intracrânienne et toute les vertes et les pas mûres que tu nous fais voir chaque jour ! Aujourd’hui je ne sais pas encore si on rentre ou si on reste, mais si tu pouvais sortir cet œdème de ta foutue trachée ça serait cool, mais vu que tu as un peu le sens de la contradiction je devrais te dire « garde ton œdème Vivien ! ». Frérot, je t’aime  !
Ta soeusoeur la plus chiante (même doublement chiante car j’ai pris ta part pour l’instant !)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire