Jeudi 05 février 2015
Le corps épousait la forme du lit. Le lit formait
un N. Il était un N majuscule. Ton corps aurait difficilement accepté la
courbure imposée d’un n minuscule. Les pieds représentaient la base du N, les
genoux pliés en étaient le premier sommet, les fesses marquaient la gorge
profonde, puis la tête surmontée d’un pic surplombait le N.
Les jambes
maigrelettes imitaient parfaitement le trait de crayon, tu as les cuisses aussi
grosses que les mollets. Ta tête penchait à droite. Tes yeux mi-clos imperturbables
à nos mouvements fixaient peut-être le paradis perdu. Ta main droite tremblait
et semblait chercher désespérément une main à saisir. Ta bouche était toujours
envahie par des tuyaux.
Hier tu as perdu ton
pic, qui était un capteur de PIC.
Donc mon fils tu vas beaucoup mieux.
Donc nos yeux naguère absorbés par la courbe
de ton PIC ont scruté ton corps et tes réactions. Les informations transmises
étaient difficilement recevables. A part l’écriture du N, rien ne nous
rassurait. Si !! Tu obéis. Lorsque l’interne te crie dans les oreilles un
ordre, tu obtempères. Un ordre simple qui n’a aucun rapport avec le tri
sélectif :
- VIVIEN SERS MOI LA
MAIN
Tu la serres.
J’éviterai dans le
proche avenir de te dire :
- Tu me casses les
couilles.
Aujourd’hui ta sœur,
qui s’est offerte une semaine de congés sans solde, vient nous rejoindre. Tu ne
la verras pas, car elle arrive au train de six heures. Tu devras comme
d’habitude supporter ses sarcasmes. Je sais, tu y es habitué, et ta nouvelle
philosophie t’empêche de répondre.
Le café est trop
chaud. J’attends qu’il refroidisse avant de le boire, intéressant.
Je vais stopper
l’écriture pour aujourd’hui, j’ai l’esprit plein de fiel. Et il me faut un peu
de temps pour digérer. Et je n’ai pas envie que ma bile se déverse sur cette
correspondance.
Qu’elle va être notre
surprise aujourd’hui. C’est le problème des surprises, je n’ai aucune réponse.
.
Ta mère, pour conjurer
le sort se sacrifie en s’attaquant à la vaisselle. Ici ce n’est pas une mince
affaire. C’est un combat de titan. Les écuries d’Augias sont en comparaison du
pipi de chat dans une litière fraichement changée. Afin de ne pas froisser les
Dieux, je ne l’aiderai pas. Elle doit accomplir seule sa mission. Elle
accomplit un rituel afin que tu reviennes à nous le mieux possible. Quand je la
vois se débattre avec les couteaux tranchants, les verres récalcitrants, les
assiettes sournoises, les cuillères mordantes et les bols qui n’ont pas de bol,
mon cœur saigne. La voir souffrir m’arrache les viscères, seuls les testicules
restent accrochés grâce au slip. Je hurle de douleur. Le combat est inégal. Ta
mère a vaincu.
Je peux enfin cesser
de décrire ce choc inégal.
Bisous.
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