Je publie avec l'accord de mon fils Vivien, les lettres journalières que je lui ai adressées. Cela est probablement une forme d’exhibitionnisme, mais aussi un partage thérapeutique.

mercredi 25 mai 2016

Trente-troisième lettre




Dimanche 08 février 2015

Jusqu’à maintenant, lorsque j’insérais le chiffre du jour, il me suffisait de taper sur « enter » afin que la date s’affiche. Tout cela est terminé. Je dois écrire la date entièrement. Ce n’est pas un travail de titan mais ça m’agace. J’ai dû par inadvertance désactiver le module. Cela ne m’empêchera pas de t’écrire.
Tu as vu par toi-même que je t’écrivais, sinon tu aurais sous les yeux une page blanche. D’ailleurs j’évite tout ce qui est blanc. Depuis ton accident, j’évite tout ce qui se rapproche de loin ou de près à la neige. J’ai proscrit les sous-vêtements blancs, sauf ceux qui sont très souillés. J’ai repeint les murs de la maison avec des couleurs foncés. Je ne traverse plus sur les passages bandés. Je n’utilise plus la voiture, il est impossible de ne pas rouler sur une marque blanche. J’ai quitté Anneso, pour une négresse* aux dents pourries. Notre liaison fut de courte durée, Anneso pour me récupérer a plongé dans une piscine de colorant noir en ouvrant la bouche (pour les dents). J’ai immigré dans un pays où la chaleur est un antidote à la neige. Je ne navigue que lorsque la mer est calme, afin de ne point apercevoir l’écume. Je n’imprime que sur du papier de couleur. Et pour être certain de ne point voir de blanc, je porte des lunettes de couleur verte, couleur de l’espérance. J’ai tenté les lunettes roses, mais voir la vie en rose alors que toi tu ne vois que le fond de ton âme n’étais pas de circonstance. Seul mon moral convient à mon allergie, je broie du noir tous les jours.
Hier tu dormais. C’est ta punition et surement un grand soulagement pour toi. La nuit précédente, profitant d’une partie de jambe en l’air entre l’aide-soignant et l’interne de service. C’était peut-être une partie de tête bêche, communément nommer chanson de Birkin-Gainsbourg. Je commence une phrase, elle se barre en testicule. Tu profitas donc du nombre 69 pour retirer ta sonde. Je reconnais que ce n’est pas la meilleure idée que tu as eu ces derniers temps. Cependant tu aurais pu arracher ton cathéter fixé à la jugulaire et là...
Pour continuer leur décompte et passer au chiffre 70, ils t’ont endormi avec une telle dose que tu ronflais encore en plein après-midi. L’avantage de ton sommeil est que tu ne sens pas la gêne de la sonde ainsi que les nombreuses douleurs qui doivent jouer à saute-moutons avec les parties de ton corps.
Je suis en panne sèche de café…
J’ai fait le plein de café.
Aujourd’hui ta grande sœur nous abandonne. Les études n’arrivent pas à se passer d’elle. Quel bonheur pour elle d’être autant aimé. Les miennes m’ont lâchement abandonné, elles sont loin, je vais devoir sprinter afin de les rattraper. J’attends juste ton transfert qui n’est qu’une question de temps.
Bisous

* Je précise que ce terme n’a aucune connotation raciste. La personne brune de peau est aussi la personne qui écrit mes textes.
D’ailleurs un écrivain africain de couleur africaine dont j’ai oublié le nom a dit :
J’ai oublié ce qu’il a dit. C’est con.
L’idée était que le mot nègre n’a pas de connotation péjorative. Nègre, black, noir… était la même chose. Seules les relations humaines sont importantes.

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