Dimanche 01 février
2015.
Merde nous sommes au
mois de février. Un mois que tu es allongé dans ton lit. Il y a eu une
interruption de quelques heures où tu étais assis sur une chaise adaptée.
D’ailleurs la position assise t’a tellement épuisé que tu es reparti dans un
sommeil sans fin.
Lettre de Ninon
Vivien,
je suis en colère, en colère contre tout et n’importe quoi, contre l’univers,
contre le destin, contre tout ce qui a fait que tu es rentré dans cet arbre. Je
ne supporte pas de t’imaginer dans ce lit d’hôpital, avec ta respiration
artificielle et entouré de ces machines qui te permettent de vivre. Après la
semaine dernière, après cet immense espoir que tu nous as offert, nous sommes
tous retombés dans un gouffre. Je parle égoïstement, je ne pense qu’à ma propre
douleur, je me dis que dans ton coma tu ne ressens rien, mais après tout
qu’est-ce que j’en sais ?
Mon frère, je ne
pourrai pas supporter que tu nous aies donné tout cet espoir pour après nous
abandonner ! Je sais, tu n’y es pour rien et je ne t’en veux pas, j’en
veux à la Terre entière, j’en veux aux autres parce qu’ils ne comprennent rien.
Papa est parti te voir à Marseille, je ne suis pas venue, j’avoue que j’aurai du
mal à te regarder dormir, mon impuissance me serait renvoyée en pleine figure…
Tu sais, j’ai envie qu’on se dispute, que je t’insulte à nouveau de geek, que
je t’énerve parce que je te fais des petites réflexions car c’est ça les frères
et sœurs. En ce moment même je me sens seule, tu es la personne sur qui j’aurais
toujours pu compter, alors s’il te plait, reviens. Aujourd’hui est un jour noir
pour moi, je ne vois rien en de manière objective. Et oui, c’est sur nous, sur
toi surtout que c’est tombé ! Ce 31 décembre, tout juste pour la nouvelle
année, notre vie a basculé, elle a pris un tournant à 360°, on ne pourra plus
jamais revenir à ce chemin si paisible qui est derrière nous, enfin derrière
toi et moi en tout cas. 16 ans, 18 ans, la fleur de l’âge où nous sommes censés
nous épanouir. Combien de traumas crâniens en France par an ? 2000 à tout
casser, combien somme nous ? 65 millions ? La probabilité était faible,
mais il faut bien, pour que les statistiques existent, que les accidents
arrivent, il fallait que ça tombe sur quelqu’un et c’est tombé sur toi… Tu
n’avais pourtant rien demandé, tu n’avais pas pris de risque inconscient, tu
n’as pas conduit ivre sur la route, tu ne faisais que t’amuser. Tu étais avec
ton ami, mais pourquoi la vie s’amuse-t-elle à détruire d’aussi bons moments ?
Pourquoi punir les innocents ? C’est débile ce que je dis, j’écris comme
si nous étions guidés par un destin unique mais c’est juste un foutu concours
de circonstance. Mon petit frère je n’ai pas les mots pour te dire à quel point
je t’aime. J’ai le cœur en pièces, je ne veux qu’une chose c’est que tu
reviennes, que tu vives, que tu partes de cet hôpital, que tu viennes nous
rejoindre. Tu vois je me rends compte que ce n’est que lorsque qu’il nous
arrive quelque chose comme ça qu’on se rend compte à quel point notre vie est
géniale et qu’il faut en profiter. Je me plains pour rien dans la vie de tous
les jours, mais putain qu’est-ce qu’on en a à foutre d’avoir un bon classement
au DS ? Qu’est-ce que ça peut faire si Gwendal n’est pas à l’heure ?
Qu’est-ce que je peux en avoir à péter que mon permis a été détruit, que mon
micro-onde ne fonctionne plus ? ON S’EN FOUT !!!
Tu sais Vivien, si je
pouvais je prendrais tout ce qu’il y a autour de moi et je le balancerais, je
sens en moi une grande révolte mais je suis persuadée que la mienne est infime
comparé à toi. Tu dois être 100 fois plus en colère que moi cloué dans ton
putain de lit d’hôpital. J’aimerais tellement t’aider mais ici l’impuissance
est reine, elle joue avec nos nerfs et nous devons, nous ne pouvons
qu’attendre. Tu sais nous devons avoir ce truc : la patience, et moi j’en
ai malheureusement pas mais nous n’avons pas le choix. Petit frère il est temps
que j’arrête d’écrire et sache que je t’aime.
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