Je publie avec l'accord de mon fils Vivien, les lettres journalières que je lui ai adressées. Cela est probablement une forme d’exhibitionnisme, mais aussi un partage thérapeutique.

mardi 17 mai 2016

Vingt-sixième lettre.



Dimanche 01 février 2015.

Merde nous sommes au mois de février. Un mois que tu es allongé dans ton lit. Il y a eu une interruption de quelques heures où tu étais assis sur une chaise adaptée. D’ailleurs la position assise t’a tellement épuisé que tu es reparti dans un sommeil sans fin.

 


Lettre de Ninon
 
            Vivien, je suis en colère, en colère contre tout et n’importe quoi, contre l’univers, contre le destin, contre tout ce qui a fait que tu es rentré dans cet arbre. Je ne supporte pas de t’imaginer dans ce lit d’hôpital, avec ta respiration artificielle et entouré de ces machines qui te permettent de vivre. Après la semaine dernière, après cet immense espoir que tu nous as offert, nous sommes tous retombés dans un gouffre. Je parle égoïstement, je ne pense qu’à ma propre douleur, je me dis que dans ton coma tu ne ressens rien, mais après tout qu’est-ce que j’en sais ?
            Mon frère, je ne pourrai pas supporter que tu nous aies donné tout cet espoir pour après nous abandonner ! Je sais, tu n’y es pour rien et je ne t’en veux pas, j’en veux à la Terre entière, j’en veux aux autres parce qu’ils ne comprennent rien. Papa est parti te voir à Marseille, je ne suis pas venue, j’avoue que j’aurai du mal à te regarder dormir, mon impuissance me serait renvoyée en pleine figure… Tu sais, j’ai envie qu’on se dispute, que je t’insulte à nouveau de geek, que je t’énerve parce que je te fais des petites réflexions car c’est ça les frères et sœurs. En ce moment même je me sens seule, tu es la personne sur qui j’aurais toujours pu compter, alors s’il te plait, reviens. Aujourd’hui est un jour noir pour moi, je ne vois rien en de manière objective. Et oui, c’est sur nous, sur toi surtout que c’est tombé ! Ce 31 décembre, tout juste pour la nouvelle année, notre vie a basculé, elle a pris un tournant à 360°, on ne pourra plus jamais revenir à ce chemin si paisible qui est derrière nous, enfin derrière toi et moi en tout cas. 16 ans, 18 ans, la fleur de l’âge où nous sommes censés nous épanouir. Combien de traumas crâniens en France par an ? 2000 à tout casser, combien somme nous ? 65 millions ? La probabilité était faible, mais il faut bien, pour que les statistiques existent, que les accidents arrivent, il fallait que ça tombe sur quelqu’un et c’est tombé sur toi… Tu n’avais pourtant rien demandé, tu n’avais pas pris de risque inconscient, tu n’as pas conduit ivre sur la route, tu ne faisais que t’amuser. Tu étais avec ton ami, mais pourquoi la vie s’amuse-t-elle à détruire d’aussi bons moments ? Pourquoi punir les innocents ? C’est débile ce que je dis, j’écris comme si nous étions guidés par un destin unique mais c’est juste un foutu concours de circonstance. Mon petit frère je n’ai pas les mots pour te dire à quel point je t’aime. J’ai le cœur en pièces, je ne veux qu’une chose c’est que tu reviennes, que tu vives, que tu partes de cet hôpital, que tu viennes nous rejoindre. Tu vois je me rends compte que ce n’est que lorsque qu’il nous arrive quelque chose comme ça qu’on se rend compte à quel point notre vie est géniale et qu’il faut en profiter. Je me plains pour rien dans la vie de tous les jours, mais putain qu’est-ce qu’on en a à foutre d’avoir un bon classement au DS ? Qu’est-ce que ça peut faire si Gwendal n’est pas à l’heure ? Qu’est-ce que je peux en avoir à péter que mon permis a été détruit, que mon micro-onde ne fonctionne plus ? ON S’EN FOUT !!!
            Tu sais Vivien, si je pouvais je prendrais tout ce qu’il y a autour de moi et je le balancerais, je sens en moi une grande révolte mais je suis persuadée que la mienne est infime comparé à toi. Tu dois être 100 fois plus en colère que moi cloué dans ton putain de lit d’hôpital. J’aimerais tellement t’aider mais ici l’impuissance est reine, elle joue avec nos nerfs et nous devons, nous ne pouvons qu’attendre. Tu sais nous devons avoir ce truc : la patience, et moi j’en ai malheureusement pas mais nous n’avons pas le choix. Petit frère il est temps que j’arrête d’écrire et sache que je t’aime.

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